« Cher(s) » violeur(s),
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Je t’écris cette lettre pour te dire que tu es pathétique. Il ne s’agit peut-être pas de la première affaire de viol collectif dont a souffert une jeune fille de mon pays, mais cette fois-ci, je tiens à t’exprimer ce que je ressens à ton égard. Tu es ignoble, tu es fou allié, tu es sans scrupule et je souhaite qu’aucune autre innocente jeune fille ne croise ton chemin. Lorsque je me fais belle, je le fais pour moi-même. Lorsque je suis coquette, bien soignée et maquillée, j’ai envie de me faire plaisir. Oui, ME faire plaisir. À moi. Lorsque je marche, je ne souhaite pas que tu respires mon air. Toi, père, oncle, frère… je n’ai pas envie que tu me kidnappes, que tu me tortures, que tu me violes, que tu me marques à vie de l’intérieur mais aussi de l’extérieur, contre mon gré.
Je n’ai pas envie de vivre un enfer pendant deux mois parce que tu daignes avoir des pulsions animales. J’ai été victime de viols en série, de torture… J’ai aujourd’hui de nombreuses brûlures de cigarette encore visibles sur ma peau. Tu m’as obligée à subir des séances de tatouages forcés sur les bras, la nuque, les mains… et à chaque fois que j’ai tenté de m’échapper, tu m’as fait mal, encore plus mal que la fois précédente. À chaque fois que j’ai tenté de me protéger, tu as payé des minables pour me violer à tour de rôle et pour me souiller davantage. Mon père a même essayé de vendre son silence pour me retrouver. Oui, il était capable de rester silencieux pour que je retourne à la maison. Aujourd’hui, personne ne sait encore comment j’ai été retrouvée. Mais j’ai été retrouvée, deux mois après. On m’a déposée en mobylette devant chez moi, comme si DE RIEN n’était.
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Aujourd’hui, je suis « libre ». Et malgré la « hchouma » imposée par cette société, je veux que tu saches, « cher(s) » violeur(s), que je souhaite que justice soit faite et que tu paies pour tout ce que tu m’as fait subir à moi, à Imane, à Amina, à Sofia, à Sarah, à Nadia, à Rita, à Salma, à moi lycéenne, élève au collège, élève au primaire… à moi, femme, fille, enfant, innocente, pleine d’avenir. À moi qui attendais mes parents devant l’école, à moi qui prenais le bus pour rentrer chez moi, à moi qui marchait pour prendre l’air.
« Cher(s) » violeur(s), tu m’auras peut-être souillée, torturée, marquée à vie, mais tu n’auras JAMAIS ma liberté de penser, ma liberté de m’exprimer et tu n’achèteras JAMAIS mon silence.
Non, les filles ne devraient pas se taire. Non, les filles ne devraient pas se contenir à suivre ce que la société leur impose. « Hchouma » est la situation dans laquelle l’on se tait pour ne pas dénoncer de tel fléaux qui continuent à toucher notre société. « Hchouma » est la situation dans laquelle l’on se voile la face et l’on cache bien des horreurs infligées par la société. Le silence a duré beaucoup trop longtemps et les viols ne cessent de se multiplier. Le nombre de viols déclarés (seulement !) aux autorités marocaines a doublé en 2017. Et ce cauchemar doit prendre fin. Jeune fille, je souhaite que tu te libères, de toutes tes frustrations. Je souhaite que tu t’exprimes, librement, que rien ni personne ne t’arrête.
« Cher(s) » violeur(s), tu m’as fait vivre un cauchemar d’abord à moi, ensuite à ma famille, à mes proches et à tout mon entourage, mais tu ne me prendras pas ma force, mon courage et mon ambition d’aller de l’avant malgré mes blessures. Et tu n’auras JAMAIS ma vie, car je suis une femme forte, malgré tout. Et je prendrai mon envol. Je volerai de mes propres ailes que tu as tenté de casser, mais qui guériront vite, très vite… aussi vite que tu ne le penses.
Signé : Khadija, Imane, Amina, Sofia, Sarah, Nadia, Rita, Salma…
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