Dès les premières minutes après avoir rencontré le jeune militant Ayouba El Hamri, il est indéniable qu’il est doté d’une force incommensurable. Le natif de Sefrou se proclame non-binaire et en a fait son cheval de bataille. Il a abandonné son chemin de vie tracé dans la physique chimie pour se lancer corps et âme dans le monde associatif et se battre pour le droit des personnes LGBT au Maroc.
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Pourrais-tu nous expliquer ce que tu fais dans la vie ?
Je suis un activiste pour la cause féministe et pour les droits LGBTQI+. Je travaille avec plusieurs associations pour promouvoir le droit des personnes LGBT et des femmes au Maroc mais aussi au niveau régional. Je fais aussi du plaidoyer au niveau international.
Je travaille également avec une association qui oeuvre pour le droit des personnes trans, et les non-binaires basés dans le Moyen Orient et l’Afrique du nord. Mon activisme c’est une passion avant d’être mon métier.
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Dès les premières minutes, tu choisis de ne pas être appelé Ayoub, mais Ayouba ? Pourquoi ? Est-ce facile à porter au Maroc ?
Le prénom Ayouba, je l’ai choisi parce que ça reflète bien ma personnalité non-binaire. La plupart des personnes trans au milieu de la transition décident de commencer une transition identitaire, soit hormonale, soit sociale.
Je ne voulais pas changer de nom, puisque je n’ai rien changé, je suis simplement moi.
J’ai reçu et je reçois toujours des critiques, parce que j’ai choisi de féminiser un prénom masculin.
Dans une société patriarcale, il est difficile de défaire le culte de tout ce qui est masculin. La plupart du gens pensent que féminiser un prénom c’est drôle. Il n’y a pas de logique là-dedans. C’est à ce moment-là où j’ai commencé à être sur que la transidentité et la non-binarité sont des causes féministes avant tout.
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Peux-tu nous expliquer ce que c’est une personne non-binaire ?
Il n’existe pas une seule définition, mais des définitions. Pour moi, il s’agit simplement de refuser de s’identifier à une seule spectre binaire homme ou femme. Je refuse la forme sociale de la femme ou de l’homme. La non-binarité, chez moi, se manifeste, parfois, je suis plus homme que femme, parfois je suis plus femme que homme, parfois je ne suis aucun des deux.
L’idée de la non-binarité reflète l’identité de genre, pour certaines personnes il s’agit d’un acte politique, qui sont contre les rôles stéréotypés dans la société que l’homme doit être comme ça et la femme doit être comme ça.
La non-binarité a toujours existé depuis la nuit des temps, mais le terme non-binaire est tout nouveau.
Est-il difficile d’imposer sa sexualité au Maroc ? Quelles difficultés as-tu rencontré ?
Il est difficile d’imposer la sexualité dans une société patriarcale, au Maroc. A cause de la mentalité binaire patriarcale sexiste qui n’accepte pas les communautés qui ne sont pas normatives. Il existe plusieurs facteurs qui rendent la vie dure : Les lois qui criminalisent les relations sexuelles consenties entre deux personnes du même sexe, la culture importée avec la colonisation. Avant la colonisation, il n’y avait pas de lois précises contre la communauté LGBT. Et le dernier facteur : La famille qui n’accepte pas la sexualité pas hétérosexuelles.
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Penses-tu vouloir vivre au Maroc dans les années à venir ?
Je veux résister et militer, j’espère que ma résistance ne s’arrêtera pas un jour. Je suis sûre qu’un de ces jours je serai fatigué de militer. Je ne veux pas me focaliser toute ma vie sur ma sexualité et comment vivre chaque jour. Des fois, je me sens fatigué de tout ça. Là, je veux vivre au Maroc. Je veux être dans un Maroc libre parce que toute ma vie est ici.
Je rêve d’un Maroc où je peux vivre tranquillement sans réfléchir chaque matin à ma sécurité. Je veux me sentir safe. Avoir les droits basiques d’être humain. Je veux un Maroc qui respecte les différences peu importe leur identité de genre, leur sexualité, leur situation de handicap. C’est certes un peu utopique. Je rêve d’un Maroc où la justice est intersectionnelle et inclusive. Un Maroc qui ne criminalise pas l’amour, qui ne criminalise pas le corps des personnes, ni ce qu’ils font au lit, ni les personnes qui s’habillent d’une certaine manière, ni les drapeaux arc-en-ciel. J’avoue que c’est un peu utopique.
Comment faire pour changer les mentalités ?
Je considère la résistance et le militantisme, le facteur principal pour faire changer les mentalités. Il faut beaucoup d’amour et de solidarité, surtout avec les personnes, entre la communauté LGBT, les femmes. Beaucoup d’amour et de partage. Les soins collectifs et personnels sont des actes politiques. Il faut prendre soin de soi et des autres dans la communauté LGBT pour exister dans cette société qui te pousse à mourir. Vivre c’est résister et résister c’est vivre.
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