Anéanti par le système de santé au Maroc, un médecin suspend ses activités bénévoles…

Par le 11 juillet 2019 à 15:12

Le chirurgien obstétricien et médecin bénévole Zouhair Lahna vient d’enflammer la toile avec un coup de gueule dans lequel il fait part de sa décision de suspendre ses activités de bénévolat au Maroc après une vingtaine d’années, tout en faisant état de la situation des hôpitaux au Maroc, et en rappelant la fermeture de son cabinet gratuit au quartier El Oulfa de Casablanca par l’ancien ministre de la Santé ou encore ses mésaventures… Le médecin annonce « avoir atteint actuellement ses limites d’être humain sans soutien au Maroc. »

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Voici son coup de gueule… 

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« L’échec !! Il est difficile de parler d’échec après tant d’interventions chirurgicales et de séances de formation de médecins et sages-femmes au Maroc. Et pourtant, je suis revenu après mon dernier séjour à l’hôpital de Meknès avec un goût amer d’échec. Et j’ai décidé de suspendre toutes mes activités au Maroc. Du moins pour le moment. Je travaille bénévolement au Maroc depuis une vingtaine d’années. Depuis que j’ai été jeune chef de clinique à Paris, j’ai tout de suite entamé des séances d’interventions et formations de mes collègues à la chirurgie pelvienne par les voies naturelles. Conscient et convaincu que pour servir les populations démunies qui consulte dans les hôpitaux, il est impératif de diffuser le savoir et savoir-faire.

À l’époque, en début des années 2000, mon ami le doctor lahcen Falaq qui travaillait à l’hôpital Ibn Khatib de Fès réunissait jusqu’à 20 gynécologues avides de savoir. L’apprentissage a duré des années et quelques uns de ceux qui ont maîtrisé les techniques ont continué à enseigner aux plus jeunes et bien évidemment faire profiter les femmes, surtout les plus démunies d’entre elles…
Les années sont passées et j’ai fait d’autres missions humanitaires et acquis plus d’expérience, en médecine et chirurgie en temps de troubles et de guerre. Et notamment à Gaza et en Syrie. Ceci m’a amené à apprendre auprès d’éminents pédagogues comme le Pr Raphaël Pitti et le chirurgien anglais David Nott. Et bien évidement, mes pensées étaient toujours dirigées à partager mon nouveau savoir avec mes collègues soignants de mon pays de naissance.
Vint alors, l’épisode de La fermeture par l’ancien ministre de la santé du cabinet gratuit que j’avais mis en place à Oulfa au profit des réfugiés et démunis. En attendant l’autorisation de l’Ordre des Médecins, j’ai entamé avec le soutien de l’infatigable Rachid Jankari une série de formations des sages-femmes en obstétrique d’urgence. Et depuis trois ans, j’ai sillonné plusieurs villes du royaume et formé ainsi plus de 600 sages-femmes qui travaillent dans les hôpitaux et centres de santé auprès de la population démunie et fragile. Mon but est de renforcer leurs capacités face aux urgences afin d’être efficaces avec peu de moyens et dans des zones éloignées ou enclavées. J’ai appliqué ainsi les mêmes méthodes que j’avais utilisées en Syrie. L’enthousiasme fut immédiat, ma grande satisfaction également. Mais dernièrement, je découvre par les sages-femmes qui sont venues à une formation sur les grossesses à haut risques et l’échographie que rien n’a changé, qu’aucun hôpital ni centre de santé ne possède de bandelettes urinaires, et encore moins de monitoring fœtal sans parler des analyses de bêta HCG pour détecter les grossesses extra utérines. Comment voulez-vous réaliser des consultations avancées alors qu’il nous manque le b.a.-ba.? Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas des centaines de soignants qui se débrouillent avec peu de choses et sauvent des vies tous les jours. Je connaissais ce constat, mais j’ai remarqué que tout le monde s’est habitué à un manque qui coûte très cher en terme de santé et vies humaines.
En chirurgie, c’est le même désastre, ce n’est plus 20 personnes qui viennent apprendre mais 2 ou 3 et dernièrement zéro. Non pas parce que les jeunes gynécologues et résidents en fin de cursus ont appris ce qu’il fallait dans leurs CHU, mais parce que ça ne les intéresse pas. Ce manque d’expérience est funeste parce que j’ai été le malheureux témoin d’un décès maternel par hémorragie de la délivrance suite à un retard de décision et de l’inefficacité de l’action.
Alors, j’ai décidé de ne plus cautionner ce système et ses acteurs. Il est certain que quelques patientes étaient opérées lors de mes passages mais les responsables de la santé doivent cesser cette politique populiste de caravanes ou campagnes pour offrir des soins en continu, de qualité et de proximité à la population.
Agir pour la santé publique est un défi gigantesque que je me suis fixé en donnant l’exemple par l’action, sacrifiant ainsi tout ce qu’un médecin par nature bourgeois pouvait ou souhaitait avoir.
Force est de constater que je suis resté seul, peu de collègues m’ont manifesté de la sympathie et très peu ont osé participer à mes actions.
Les publications faites pour stimuler et créer des émules, ont été prises pour de l’autoglorification, et la main tendue n’a trouvé aucune autre main.

Depuis plusieurs mois, je ne vis que sur mes économies, et bien que mon train de vie est très simple, je dois certainement repartir travailler sous d’autres cieux. Pour cela je vais me dés inscrire de l’Ordre des Médecins du Maroc pour me réinscrire à celui de la France.

Je ne me suis peut-être pas acquitté de toutes mes dettes envers mon pays de naissance et ses merveilleux habitants, j’aurais aimé faire plus. J’ai fait ce que j’ai pu, et atteint actuellement mes limites d’être humain sans soutiens. Je prie Allah d’accepter mes maigres efforts et de pardonner mes excès et insuffisances.

Enfin, c’est bien connu personne n’est prophète dans son pays ! » – Dr. Zouhair Lahna.

Journaliste et animatrice. Mon métier est ma passion... Âme rêveuse et joyeuse, mon bonheur ? Les animaux.

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